Ne mettez pas toutes les salades dans le même panier!

Avant cela, je vous propose un petit détour par les arcanes de la botanique pour mieux comprendre. Parmi les salades pommées, nous distinguons deux groupes: d’une part, les types de salades qui appartiennent à l’espèce Lactuca sativa, comme les laitues pommées, les laitues à tondre ou à cueillir, les laitues romaines, les laitues batavia et autre iceberg. Ce sont toutes des formes différentes de la même espèce, issues de travaux de sélection spécifiques. Elles produisent de fines fleurs jaunes et sont autogames (ou autofertiles). Le deuxième groupe de salades est celui des chicorées (Cichorium sp.) comme l’endive, la chicorée pain de sucre ou la scarole, généralement reconnaissables à leur légère amertume. Les chicorées n’ont aucun lien de parenté avec les laitues. Elles ne fleurissent que la seconde année, produisent des fleurs bleues et sont allogames.

Si on laisse des salades pousser librement dans le jardin, elles finiront tôt ou tard par monter en graines. On peut récolter ces graines, dont une partie tombe toujours au sol. Les graines tombées ne tardent pas à germer pour former de nouvelles salades. C’est un joli processus en soi, mais certaines conditions doivent être respectées pour assurer la conservation des variétés. Les espèces allogames, comme justement les chicorées, doivent fleurir simultanément en grand nombre pour survivre à moyen terme tout en préservant les propriétés spécifiques de chaque variété. En effet, elles ont impérativement besoin du brassage génétique pour éviter les phénomènes de consanguinité. Tous les types de cette espèce (endives, pain de sucre, scaroles, etc.) peuvent par ailleurs se croiser avec des chicorées sauvages qui fleurissent en même temps ou même avec d’autres variétés de leur espèce. Si l’on souhaite qu’une variété reste pure, il faut absolument éviter les croisements.

Pour les Lactuca autogames, le risque de croisement est très faible et la consanguinité n’est pas non plus un problème. Il convient toutefois de noter la chose suivante: il serait logique de toujours laisser fructifier les individus qui montent en graines les premiers, car il n’est plus possible de les récolter. Mais si on le fait régulièrement, on favorise la montaison précoce, car cette caractéristique aura été sélectionnée inconsciemment. C’est pourquoi il est important de ne prélever des semences que sur les plantes qui forment en priorité de belles têtes compactes et qui montent en graines le plus tard possible. Pour entreprendre ce mode de sélection de manière ciblée, il est judicieux de cultiver ensemble au moins 20 salades de la même variété et de marquer régulièrement les plus beaux spécimens pendant toute la période de végétation. Il suffit d’enfoncer un tuteur à côté des plus belles salades pour les marquer. Il vous servira plus tard pour attacher la hampe florale. Par ailleurs: il est important d’éclaircir les plantules qui se sont ressemées d’elles-mêmes afin que les salades aient suffisamment de place pour se développer et former de belles têtes.

Pour éviter que la tige florale des salades ne pourrisse pendant sa croissance, vous devrez régulièrement enlever les feuilles les plus basses. Les infrutescences, qui ressemblent à des mini-pissenlits, s’ouvrent individuellement et progressivement. Récoltez-les régulièrement, de préférence les après-midi ensoleillés, lorsque les plantes sont complètement sèches. Si vous pincez les graines (akènes) en forme de «parachutes» entre vos doigts, vous pouvez séparer les aigrettes des graines proprement dites et récupérer les semences dans un petit récipient. Celles-ci seront presque entièrement propres. Il vous suffira de souffler sur les résidus pour vous en débarrasser. Laissez sécher les graines à l’intérieur pendant au moins deux semaines, avant de les mettre dans un sachet en papier et de les stocker au sec jusqu’au printemps prochain.